Ceux qui me connaissent le savent, j’ai la fâcheuse habitude de tomber, peu importe la vitesse, la surface ou la difficulté du parcours. Je me perds dans mes pensées, ou j’accélère un peu trop, et boum! ça y est, encore sur le cul (ou les genoux, les mains, le visage…). Ça m’est arrivé à Whistler, Chilliwack, North Vancouver, le weekend dernier, et ça m’arrivera encore. Les risques du métier. « What doesn’t kill you make you stronger », non? C’est vrai, mais ça fait mal quand même.
Le 27
octobre, c’était le retour à la compétition. 1re course sur sentier
depuis la catastrophe knee knackerienne, j’avoue que ça me stressait un peu.
Les coureurs approuveront : on arrête 1 semaine et on pense qu’on a tout
perdu. De mon côté, ça faisait 3 mois. Donc je doutais; de ma vitesse, de mes
capacités, et surtout de mon désir de vaincre. Est-ce que j’ai toujours ce feu
en moi? Toujours envie de me dépasser (et tant qu’à y être
de dépasser les autres)?
La course :
le Hallow’s Eve. 10 ou 21 km. J’ai déjà fait le 10 à deux reprises, et terminé
6e et 2e. Cette année, j’y vais pour le demi, plus près
de mon objectif à moyen terme, Chuckanut 50.La semaine pré-Hallow’s Eve
Avec un peu
moins de 7 h d’entraînement au programme, c’est une semaine relativement
tranquille qui précède la course (« taper week »). L’idée est de me
pointer reposé à la ligne de départ le dimanche. Je prends soin de manger un
peu plus de glucides qu’à l’habitude, histoire de stocker mes réserves. Je ne
dors pas très bien la nuit du vendredi au samedi, en raison du travail. Je ne
dormirai pas bien non plus la nuit suivante, donc c’est un peu fatigué que j’arrive
à North Vancouver avec Scott, un coureur que j’ai rencontré par l’entremise de
Mirabelle, et qui me donnera du fil à retordre, j’en ai bien peur. Point
positif : des douleurs dans les muscles
ischio-jambiers (muscles de
l'arrière de la cuisse)
qui m’avaient ennuyé toute la semaine ont ce matin presque disparu.
Réchauffement
Inscription
faite, début du réchauffement, une bonne heure avant la course. Ce que j’aime
de Scott, mises à part ses aptitudes de coureur, c’est qu’il ne s’accroche pas
à moi comme un enfant à sa mère. Il fait ses affaires, je fais les miennes, de
toute façon on aura amplement le temps de se voir pendant et après la course.
Je commence avec un jog de 5 minutes, puis étirements dynamiques. J’essaie de
rester bien réchauffé, donc je bouge beaucoup. Un peu de jus de betterave, un
gel 15 minutes avant le départ, quelques papillons. Ok, let’s do it!
Stratégie
Selon les
résultats des années précédentes, je prévois passer environ 1 h 45 sur les
sentiers. J’apporte avec moi trois gels, que je prendrai aux demi-heures, et je
boirai aux aid stations. Mon plan est on ne peut plus simple :
je suis le lapin, vous êtes les lévriers, qui peut m’attraper? Bref, départ
très agressif pour casser dès le départ ceux qui aspireraient à une course à
une vitesse « normale ». Après la 1re montée et la traversée
du cimetière, je verrai bien qui a envie de souffrir. Malheureusement, il y en
aura plus que prévu…
Le départ
Sur la
ligne de départ, je reconnais quelques coureurs : bon, il y a Scott bien
sûr, mais aussi Ashley McMillan, de Whistler, qui m’avait botté le cul il y a
deux ans au Summer Solstice Half Marathon, et Eric Leinberger, visage bien
connu qui est venu de Gibsons pour l’occasion. Tom Craik et Duncan Coo, du
FlightCrew Salomon, ne courent pas aujourd’hui. Craik se plaît à dire à tout le
monde que je vais gagner, pas sûr que ça m’amuse. J’aime bien le rôle de
négligé, et Tom me place plutôt dans celui du favori. Ma stratégie ne fait donc
plus de doute : on s’attend à ce que je gagne, ben je vais partir comme
quelqu’un qui pense gagner. Sur la ligne de départ, je me place à l’extrême
droite, alors que la course s’amorce avec un virage à 90 degrés vers la gauche.
Je prends une grande respiration. Au son de la cloche (pas certain qu’il y
avait une cloche, mais bon), j’effectue une diagonale vers ma gauche et me
place bon premier. Voyons voir ce que les autres ont dans le ventre…
Ça va
prendre un plan B
Ma force, c’est
la montée, et ça commence en montant. Belle coïncidence! Un certain Ramsey, que
je ne connaissais pas, vient se placer épaule à épaule avec moi. Il est relativement
costaud pour un grimpeur, peu importe, il est rapide, le gaillard. Juste
derrière, Carl Reilly emboîte le pas. Scott n’est pas très loin, McMillan non
plus, je commence à me dire que ce ne sera pas un one man show.
Honnêtement, j’espérais m’échapper et creuser l’écart dès le départ, de toute
évidence ça n’arrivera pas. 1re section flat, Reilly prend les commandes. C’est un grand type, avec une
foulée régulière. Je me dis : « Les grands sont un peu maladroits en
downhill, je le rattraperai bien. » Errare humanum est. L’erreur est humaine.
Le chat et la souris
Durant toute la 1re moitié du parcours, je le verrai avec
son chandail rouge. Toujours devant, jamais très loin, plus fort que moi en
descente, mais moins efficace en montée. Encore une fois je devrai utiliser la
grimpe pour m’en sortir. Et j’ai Scott et Ramsey qui me collent au cul, j’ai le
sentiment d’être pris en sandwich et ça me plaît plus ou moins.
Chaque fois qu’on monte, je m’approche. Du moment que j’arrive au
sommet, il a disparu. J’ai une chance de l’attraper : Old Mountain Highway. Longue
et constante ascension vers Lower Griffin, j’aurai quelques minutes pour gruger
l’écart qui nous sépare. Après la partie technique de Baden Powell, Mountain
Highway est une partie de plaisir, on n’a qu’à laisser aller les jambes. À la
sortie de BP, Peter Watson, bénévole pour l’évènement, me crie : « Go
get him, Ben! » D’accord!
Je fonce et mes jambes répondent bien. Il ne peut pas se cacher, ce
sentier est assez large pour laisser passer un camion. Il regarde régulièrement
derrière, et je sais qu’il s’inquiète. Il cache mal son jeu, de mon côté, « poker
face ». Jamais laisser transparaître qu’on a mal ou qu’on est à bout de
souffle. J’ai maintenant espoir de le casser (j’apprendrai plus tard qu’il a
fait IronMan en 9 h 40, pas du genre à casser, le gars). Il prend à droite vers
Lower Griffin, moi aussi, quelque 20 secondes après lui. Je fonce vers ma
proie, prêt à l’achever. Hic : la proie s’est fondue dans le paysage, s’est
évaporée, en vent ou en poussière. Merde!
Mon pied ne fait pas trop mal, et j’en profite pour attaquer le
downhill. Je n’ai pas couru ainsi depuis des mois. J’arrive au bout de la
descente, seul, et je plonge vers les escaliers qui me conduiront à la
prochaine aid station. Un virage serré précède un pont de bois,
bien humide. Je saute sur le pont, mon pied droit touche la surface et n’y
trouve aucun appui. La seconde d’ensuite mon corps est à l’horizontale, je
glisse et tombe du pont, me frappant le menton au passage. Examen rapide :
les jambes sont correctes, j’ai du sang dans le visage qui semble provenir de
ma lèvre supérieure, pas d’étourdissement, ou de malaise. On continue.
Seconde moitié du parcours
Je passe sans m’arrêter à la aid station et entreprends
les deux kilomètres de Cedar Mill Trail. Encore une fois, j’aperçois Carl, mais
il est loin. Reste une montée, ensuite c’est plus ou moins de la descente jusqu’à
la ligne d’arrivée. Je ne verrai plus le leader par la suite, je dois donc
assurer ma 2e position. Je me doute bien que Scott, Ashley et Ramsey
ne sont pas très loin, et ils attendent sûrement la descente pour reprendre du
terrain. Je manœuvre la section technique de Lynn Loop et vais le plus
rapidement possible dans la descente vers Lynn Headwaters. Un chien plus ou
moins amical m’oblige à courir dans un fossé. Si j’avais le temps, j’expliquerais
bien à son propriétaire l’importance de la laisse, malheureusement, j’ai d’autres
chats à fouetter (c’est seulement moi où il y a beaucoup d’animaux dans l’histoire?).
Juste avant l’arrivée au gazebo j’ai l’impression d’apercevoir Scott derrière.
Manquait plus que ça! Il me dira plus tard qu’il m’a poursuivi jusqu’au moment
où il a glissé dans un escalier et s’est infligé une fracture légère à deux
côtes. C’est sérieux, le trail running! Je parcours les 5 derniers kilomètres
seul, jetant ici et là un regard derrière moi. Je ne me permets pas de
ralentir, je veux simplement en finir. Dans le dernier droit, je me sais
maintenant assuré d’une 2e place. Je traverse la ligne d’arrivée en
1 :43 :16.
Conclusion
Je suis satisfait de mon retour à la compétition. Je me suis bien
battu, et Carl a gagné parce qu’il est plus fort que moi, non pas parce que je
l’ai laissé aller. Je suis un peu déçu de ma technique, j’espérais qu’elle me
permettrait de courir rapidement avec moins d’effort. Malheureusement, en
raison de la pression, j’ai dû aller plus vite que prévu, et la technique en a
souffert. Mes jambes ont bien répondu à l’appel, et j’ai peu de courbatures au
lendemain de l’évènement. Je risque fort de garder un souvenir de la course,
une cicatrice au menton. J’ai eu besoin d’une dizaine de points de suture pour
refermer le tout. Mais une course pas de sang, c’est pas une vraie course,
right?
Ben
Statistiques
-21 km-1 :43 :16
-2e classement général
-Rythme cardiaque moyen : 182
Alimentation
- Veille : Pâtes, sauce, avocat, toast
- Matin : Bagel et céréales avec banane, 2 cafés
- Avant la course : jus de betterave et 1 gel
- Pendant la course : 3 gels
- Après la course : bananes
-
Souliers : Inov Trail Rock
- Bas : Drymax
- Shorts : MEC
- Chandail : mérino manches longues, MEC
- Tuque : 5 Peaks
Phantom Run 24 km, 17 novembre 2012
Tu t'es bien battu, et tu as des blessures de guerre pour le prouver! Chapeau! Pas de boue, pas de bobo, pas de Ben : )
RépondreSupprimerBeau retour à la compétition, et une bonne lecture pour nous...
RépondreSupprimer